Nuit
Le beau poème de Max Jacob rejoint la fonction magique,
sacrée, qui est inséparable de la musique; la ligne mélodique mêle
une certaine exaltation et l'ultrathématisme issu de la petite forme
schönbergienne.
Quelques mots clés du texte : rien, néant, pitié, mort, croix, sont
mis en exergue par le soprano, autour duquel le quatuor pose un tissu
sonore subtil, ou prolonge, par le truchement de l'alto et du violoncelle
principalement, les inflexions mélodiques vocales. Inflexions à peine
soutenues, pulsions devrais-je dire plutôt, mouvements de deux ou
trois notes interrompus par des silences.
Après une brève exaltation, tout semble se dénouer dans la dernière
phrase, sur les deux plus beaux vers du poème : "Je suis un végétal
ébranlé par l'enfer/ Dont les ailes jadis s'étendaient vers la mer", où la voix, comme délivrée, énonce une mélodie ascendante qui semble
s'élancer vers le lointain, vers l'infini; cependant, cet élan est
contrarié par le constant glissando des cordes, et l'œuvre s'achève
dans un extrême-grave très sombre.